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Interview Catherine Phan van

Catherine a accepté de répondre à nos questions. Merci à elle !

Je suis de nature assez curieuse et je suis tombée un jour sur un billet du blog d’un neurologue, sur la thématique de l’absence d’unicité du soi. D’ailleurs, je vous mets le lien, l’article est très fun à lire… si on a un humour un peu noir ! Le sujet m’a suffisamment intéressée pour me pousser à effectuer quelques recherches complémentaires sur le phénomène qui y est décrit et la manière dont il peut se manifester.

Et puis l’envie est née de tordre tout ça, et de m’inspirer aussi bien du personnage réel de William P. Van Wagenen que de ce que sont devenus ses patients, pour imaginer une fiction. J’ai décrit quelques expériences qui pourraient vraiment être reproduites dans la réalité, je me suis amusée à faire tirer des conclusions totalement erronées de ses observations par un scientifique de la fin du XIXe siècle pétri de préjugés, j’ai introduit un soupçon de fantastique – parce qu’il m’est difficile d’y résister –, ajouté un très mauvais jeu de mots sur les noms, mélangé le tout, secoué un peu… Et voilà !

Il y a un an, j’aurais encore répondu que j’étais surtout à l’aise pour écrire des histoires contemporaines avec une pointe de fantastique, de préférence avec une fin bien glauque et qui parlent de thématiques hyper joyeuses telles que la solitude, le deuil, la rancœur… Parce que, allez savoir pourquoi, c’est souvent ce qui me vient le plus naturellement quand je veux attaquer une nouvelle.

Sauf que courant 2023, sur un coup de tête, à l’occasion d’un concours, je me suis lancée dans l’écriture d’une comédie romantique un peu déjantée. Et je me suis tout bonnement éclatée : je confesse même avoir réussi à me faire rire toute seule sur plusieurs passages.

Alors je crois que finalement, je n’ai pas vraiment de registre de prédilection. J’écris surtout en fonction de l’envie du moment, qui peut fluctuer dans le temps et aller du très sombre au presque loufoque.

Quand j’étais enfant, aussi loin que remonte ma mémoire, je me racontais des histoires dans ma tête, le soir, avant de m’endormir. Mais je me souviens très bien du moment où j’ai décidé d’écrire ma première histoire. J’étais au collège et j’avais 11 ans. Ma professeure de français nous avait dit en début d’année que si des élèves de la classe voulaient écrire un roman, elle le lirait avec plaisir.

Ça a fait tilt : mais oui, évidemment que je voulais écrire un roman ! J’ai donc passé une bonne partie de l’année scolaire à noircir un cahier entier, de la première à la dernière page, avec l’histoire d’un couple de tourterelles. Le cahier a fini à la poubelle quelques mois plus tard, et je ne me souviens plus du contenu exact de ce premier « roman », pas davantage que des détails du retour que m’en a fait ma professeure – qui a tenu parole et l’a vraiment lu ! –, mais je sais en tout cas que c’est l’unique encouragement à écrire que j’ai reçu jusqu’à atteindre l’âge de 45 ans. Raison sûrement pour laquelle je ne me suis lancée sérieusement dans l’aventure que si tard.

Hum… Anarchique ? Je n’ai aucune régularité, parce que c’est compliqué de jongler entre vie de famille, vie professionnelle, bénévolat dans diverses associations, répétitions d’orchestre et obligations rébarbatives du quotidien. Alors je vole des heures d’écriture quand je peux, le plus souvent en soirée, quand mes enfants sont couchés ou pas loin de l’être, et les corvées terminées.

Ah bon, il faut le construire ? Oups ! 😅

Blague à part, pour tenter de répondre avec un peu de sérieux à la question : pour les nouvelles, le genre veut que l’intrigue soit très resserrée, donc je n’éprouve pas le besoin de construire quoi que ce soit, je me contente d’écrire le récit comme il vient.

Pour les romans, c’est moins évident. Je me suis essayée fin 2022 à préparer un plan en vue d’écrire une dystopie dont j’ai juste les grandes lignes et quelques esquisses de personnages en tête. J’y ai passé de longs mois… En vain : je ne suis jamais parvenue à pondre un plan complet satisfaisant. J’ai juste réussi à me bloquer complètement sur l’écriture de cette histoire. Alors ma tentative de roman suivante, je l’ai entreprise avec une méthode révolutionnaire. Attention, tenez-vous bien, je vous révèle la méthode en question : « pas de plan » ! Or, il se trouve que j’ai démarré puis achevé l’écriture de ce roman sans problème. Donc en toute franchise, je dirais qu’au stade où j’en suis, je ne suis pas capable de construire : je lance mes personnages dans l’arène et je les regarde écrire eux-mêmes leur histoire. Je me contente seulement de la transcrire. Et ce n’est que quand j’ai un premier jet complet que j’arrive à me poser pour m’interroger sur l’articulation des grandes étapes de l’intrigue, et que je prends le temps de réagencer les briques, de les polir, d’en ajouter certaines, d’en supprimer d’autres, jusqu’à ce que l’ensemble finisse par ressembler à quelque chose et soit présentable en bêta-lecture.

Les deux ! J’aime les nouvelles parce que, il faut bien l’avouer, c’est quand même super satisfaisant de pouvoir poser le mot « FIN » sur une histoire sans avoir à y travailler pendant plusieurs mois, voire années. Et j’aime les romans parce que je prends beaucoup de plaisir à côtoyer certains de mes personnages sur le long terme.

Instant confession : je ne suis pas indépendante. Au mieux, je suis hybride. J’ai autoédité une unique nouvelle, pour m’essayer à l’exercice, parce que je suis admirative des personnes qui le pratiquent et le maîtrisent et que je voulais voir si j’arrivais à relever le défi. Et aussi parce que l’idée de tout faire de A à Z me séduisait.

Sauf que pour être indépendant, il vaut mieux être bâti comme un couteau suisse et avoir des lames de communication, marketing et vente bien aiguisées. Les miennes ressemblent à des couteaux à beurre rongés par la rouille, alors j’essaie de les affûter un peu avant de retenter l’expérience. En attendant, je case une nouvelle par-ci par-là, quand j’y parviens, dans des anthologies publiées par de petites maisons d’édition ou des structures associatives.

La durée de vie des livres : c’est le principal point noir qui me fait grimacer dans l’édition traditionnelle, où même un livre qui a du succès va disparaître en un an maximum ! Tandis que je sais que les histoires que je publierai de manière indépendante ne seront pas envoyées au pilon et pourront conserver une chance d’être découvertes par de nouveaux lecteurs et lectrices pendant de longues années.

La communication : faire connaître mes livres et parvenir à enfiler un costume de vendeuse, c’est-à-dire adopter un discours qui vise à donner envie de les lire, sans avoir l’impression de me trahir moi-même, parce que je suis de nature discrète et introvertie. Et pourtant, je ne me fais pas d’illusion : en maison d’édition aussi – à moins peut-être d’avoir remporté un concours ou de bénéficier d’une mise en avant particulière pour une raison précise –, l’auteur ou l’autrice doit enfiler ce fameux costume. Ce n’est pas lié au statut, finalement… Davantage au métier. Mais c’est vraiment la partie que je trouve la plus compliquée.

J’ai été biberonnée aux grands incontournables des bibliothèques rose et verte des années 80 : Jojo Lapin, Le club des cinq, Alice, Les six compagnons… J’ai enchaîné avec les romans qui peuplaient les étagères familiales : la Comtesse de Ségur, Agatha Christie, Maurice Leblanc, Jules Verne, Dumas père, Pagnol, Tolkien, divers classiques… Et ensuite, j’ai commencé à picorer au hasard dans les rayons de la bibliothèque municipale, un peu tout ce qui me tombait sous la main.

Aujourd’hui, je lis avec plaisir à peu près tous les genres de fiction, sans prédilection particulière pour l’un ou l’autre, aux formats romans ou nouvelles. Un peu de théâtre, parfois. Jamais de poésie, à laquelle je suis malheureusement assez peu sensible, et très peu de BD, parce que ça me provoque des migraines. Rarement de la non-fiction, et quasi exclusivement sur des thématiques qui me tiennent à cœur, notamment écologie ou anticapitalisme.

Avec Enfants des neiges, j’ai eu envie de raconter une histoire douce, qui pourrait parler aussi bien à des enfants qu’à leurs parents ou grands-parents, un peu comme un conte de Noël qu’on lirait à haute voix au coin du feu, dans la même ambiance hivernale, mais sans Père Noël, parce que je n’aime pas les histoires dans lesquelles il apparaît.

Au final, grâce à ma super méthode de construction évoquée plus haut, je me suis retrouvée avec une histoire qui n’est pas vraiment un conte, et qui ne parle pas vraiment de Noël. Mais elle évoque les liens du cœur, la complicité entre générations, la transmission de l’histoire familiale… Je l’ai placée dans un décor qui m’est cher, celui de mon enfance : le Haut-Doubs, et en guise de clin d’œil, je n’ai pas résisté à y inclure une vraie anecdote, issue de ma propre histoire familiale.

Alors comme elle me plaisait sous cette forme, et que les personnes qui l’ont lue l’ont appréciée aussi, j’ai décidé de la publier telle quelle, ce qui en fait « un (non-)conte de (pas vraiment) Noël » !

Pour moi, L’Indé Panda, c’est avant tout un groupe de personnes enthousiastes et lumineuses, qui donnent de leur temps et de leur énergie pour aider les auteurs et autrices indépendant·e·s à se faire connaître. Et mission accomplie, parce que L’Indé Panda, à mes yeux, c’est aussi un recueil qui revient tous les ans et dans lequel j’ai découvert plusieurs très jolies plumes !

J’ai eu une fin d’année 2023 plutôt bien remplie, avec plusieurs nouvelles publiées dans des recueils : outre le numéro 13 de L’Indé Panda, je figure au sommaire d’Interstices (paru en septembre aux éditions HPF), de Creepy Christmas and Bloody New Year (paru en novembre chez BeetleBooks Publishing), et ma nouvelle L’arbre de lune a terminé 3e du concours de nouvelles du Festival du Fantastique de Béziers en octobre.

Pour 2024, j’ai eu la joie d’apprendre récemment que ma nouvelle Dragonirie paraîtra en avril dans l’anthologie Explorations Insolites de L’imagin’arium, à l’occasion du salon Imagina’livres. Et je m’apprête à soumettre en maisons d’édition ma comédie romantique, Cercueil et préjugés, dont la première version a été finaliste d’un concours organisé par Fyctia, la filiale digitale de Hugo Publishing, et a reçu un retour très encourageant des éditrices. Et comme je réponds à cette interview en période de fin d’année et que ça ne coûte rien de rêver, je m’autorise un vœu : ce roman-là, j’aimerais beaucoup qu’il trouve sa place en librairies ! 😊🤞

Découvrez Sinistre volonté dans L’Indé Panda n°13

Lisez Enfants des neiges

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