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Interview Bouffanges

Au tour de Bouffanges de répondre à nos questions.
Merci à lui.

Tu as été sélectionné pour ce premier numéro avec ta nouvelle « Votez Blanc ! », peux-tu expliquer sa genèse ?

Elle date de 2014, si je me souviens bien. Un ami à moi, écrivain, s’était vu commander une nouvelle sur le thème « l’élection présidentielle 2017 ». Il avait accepté par faiblesse mais peu envie d’écrire sur le sujet. J’avais cette idée qui me trottait dans la tête depuis longtemps, alors je lui ai proposé d’écrire en parallèle, chacun la sienne, pour le motiver. Il a d’ailleurs eu la gentillesse à l’époque de la faire suivre à l’éditeur en question, qui l’avait initialement retenue pour publication, pour ne finalement jamais donner suite…

Elle est restée dans les cartons depuis, et je l’ai ressortie pour l’Indé Panda. Elle a un peu vieilli, certains partis pris sont déjà périmés, comme la candidature de Cécile Duflot, ou le fait que Bayrou se présente parallèlement à Juppé, j’avais présumé que Hollande ne pourrait pas se représenter, mais mon pari sur Martine Aubry semble moins clairvoyant. Au total, tout cela importe peu, je pense que les lecteurs auront compris que mon propos ne vise aucun politique en particulier, mais le système dans son ensemble.

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Plus à l’aise dans un registre particulier ? De quoi aimes-tu parler dans tes histoires ?

Je ne sais  pas si l’on peut parler de registre. J’aime toucher à tout, à tous les genres, et notamment détourner des thèmes, comme dans Zombies, mon premier roman, qui ressemble à tout sauf à une histoire de zombies habituelle.

A vrai dire, j’aime surtout construire les histoires, et leur chercher une forme originale. Dans Votez Blanc comme dans Zombies, j’ai choisi de rassembler des extraits divers et variés, de journaux, d’émissions, de discussions, etc. Le but est de mettre entre les mains du lecteur des éléments objectifs, bruts, pour lui permettre de se faire sa propre idée, comme il aurait à le faire dans la vie de tous les jours, sans chercher à lui imposer le point de vue de l’auteur ou du narrateur. Dans Triumvirat, la narration est un peu plus classique, mais je l’ai entrecoupée d’articles de journaux, de traités de stratégie, d’extraits des mémoires de certains protagonistes, de manchettes wikipedia, etc. Je suppose que c’est ce qui me ressemble, cette façon un peu puzzle d’organiser les choses.

 

Quand et comment as-tu commencé à écrire ? Te rappelles-tu ta première histoire ?

Dès que j’ai pu. Et encore, si l’on intègre dans l’écriture tout ce qui est en amont, à savoir la conception des histoires, je suppose que ça a commencé presque tout de suite. Ma première histoire écrite, je devais avoir six ou sept ans, je n’en ai aucun souvenir, à part que ça parlait de huskies et d’un crêpier qui vendait des « crêpes Z ». Parce que j’aimais bien la lettre Z, va savoir pourquoi. Je donnerais cher pour remettre la main sur ce cahier, mais je suis tellement désordonné que c’est perdu d’avance.

 

Quel est ton rythme d’écriture ?

Tout dépend ce qu’on appelle écriture. Si l’on intègre la phase d’imagination, à peu près tout le temps. L’imagination est en veille permanente, et tout est propice à un début d’histoire. Ça part souvent d’un film ou d’un livre dont j’ai apprécié le départ et dont la suite m’a déçu. Je brode, et au final je m’approprie l’idée qui bien souvent n’a plus rien à voir avec le point de départ. Certaines histoires se montent en quelques jours, d’autres attendent leur heure depuis vingt ans, sans que je les oublie. Je navigue entre toutes ces idées, comme des plantes qu’on arrose patiemment.

Pour en revenir à la question, si l’on parle des mots couchés sur le papier, c’est assez variable. Depuis deux ou trois ans, je me suis discipliné, et j’écris rarement moins de 2000 mots par semaine, je pense. J’essaie d’écrire un peu tous les jours, mais je n’y arrive pas toujours. Quant à la cadence, c’est très variable. Quand je sais parfaitement ce que j’ai à écrire, le rythme de croisière avoisine 2000 mots à l’heure; quand je suis englué, ça peut vite descendre à quelques centaines de mots.

 

Comment construis-tu ton travail ?

De façon assez classique. Je laisse mûrir l’idée, parfois trois jours, parfois vingt ans. Je mène ma documentation en parallèle. Puis quand tout ça a bien fermenté, je balance sur le papier ce que j’appelle une notice d’intention. Elle se découpe en plein de chapitres, pas toujours très organisés. Le plus important : une phrase, courte, pour décrire le projet le plus simplement. Il m’est arrivé d’écrire un paragraphe de vingt lignes pour l’expliquer ; c’est rarement très bon signe. Plus la phrase d’intention est courte et limpide, plus il est facile de s’y référer par la suite pour être sûr de ne pas s’égarer. Puis un long fourre-tout où je m’épanche sur mes motivations, pourquoi le projet m’est cher, d’où il provient, etc. J’ajoute un paragraphe pour recenser toutes les références qui approchent de près ou de loin mon idée, pour ne pas oublier de m’en démarquer, ou au contraire d’y faire des clins d’œil. Le but est que le plus de choses possibles soient délibérées. Enfin, un résumé de l’histoire et de ses personnages. Tout ça peut prendre 5000 mots environ.

Une fois cela fait, je m’attache à ce que j’appelle le synopsis. Il s’agit du déroulé de l’histoire, chapitre par chapitre. Parfois, c’est une description lapidaire, parfois c’est presque rédigé, en fonction de l’importance du chapitre. Pour mon roman en cours, le synopsis faisait 15 000 mots, pour un roman qui en comptera seulement 60 000 au final. C’est donc déjà une jolie maquette au 1:4. Mais quand on a ça sous le coude, la rédaction est incroyablement plus aisée.

Et puis, enfin, la rédaction. Ça ne représente guère plus de la moitié du boulot, dans mon processus actuel.

Enfin, pour la totalité du processus, ça peut aller de 3 ans pour Triumvirat, à 3 mois pour Zombies. Le projet en cours devrait se finir d’ici la fin de l’année, au terme d’environ un an de travail.

 

Plutôt nouvelle ou roman ?

Les deux. Je pense avoir plus d’aisance naturelle avec les nouvelles, mais je suis incomparablement plus fier quand j’achève un roman. J’aime beaucoup les histoires « à chute », ou « à renversement final », ce qui se prête plutôt bien à la nouvelle, mais j’aimerais m’épanouir vraiment dans le roman.

 

Pourquoi être indépendant ?

Pour ma part, ce n’est pas vraiment un choix. Pour mes deux romans, et surtout pour Triumvirat, j’avais eu d’excellents contacts avec des éditeurs réputés, mais tous ont conclu que le lectorat serait trop étroit pour justifier une publication. C’était soit je changeais ma façon de faire pour m’adresser à un public plus large, soit je devenais indépendant. Et comme j’écris avant tout, égoïstement, pour m’amuser, la question ne s’est pas posée très longtemps.

 

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce statut ?

Les rencontres. A force de sinuer dans des groupes d’auteurs, et notamment avec l’aventure de L’Indé Panda, j’ai noué des liens très forts avec certains auteurs, comme Patrice Dumas et Nathalie Bagadey, dont vous avez pu lire les excellentes nouvelles dans le premier numéro du magazine, mais aussi avec bien d’autres. L’écriture est une activité solitaire qui gagne à être partagée.

 

A l’inverse, qu’est-ce qui est le plus dur pour toi ?

La promotion. L’auto-édition, c’est la jungle, et il est difficile d’y avoir une visibilité. De plus, il ne faut pas se leurrer, on y rencontre les mêmes difficultés qu’ailleurs si l’on n’écrit ni de la romance ni du policier.

 

Quel type de lecteur es-tu ?

Mauvais. Je lis lentement, et trop peu. Qui plus est, je relis certains auteurs compulsivement, comme Borges dont je ne pourrais passer plus de 3 mois sans relire une ou deux nouvelles. Au final, donc, ma pile à lire a une fâcheuse tendance à l’excédent commercial. Elle fait un peu plus d’un mètre de haut, à côté de mon lit, et mes garçons la renverse régulièrement. En revanche, je lis de tout, sans discrimination.

 

Dans ce numéro 1 de L’Indé Panda, tu nous présentes ton roman « Triumvirat », peux-tu me raconter un peu ce qui t’a inspiré ?

Triumvirat est l’histoire d’un jeune mathématicien surdoué, qui prépare sa thèse de doctorat. Il est promis à un bel avenir, mais est parallèlement totalement passionné par un jeu devenu aussi populaire que le tennis, le triumvirat, une sorte d’échecs aux règles mouvantes et basé sur la trahison. Il s’inscrit un jour à un tournoi en ligne, qui lui permet de se qualifier pour une compétition internationale. S’ensuit alors un fâcheux dilemme: privilégier son talent, ou sa passion ? C’est un sujet qui me tient à cœur, et je me suis amusé comme un petit fou à le traiter dans ce livre. Le second thème, est celui du jeu et de la trahison dans le jeu. Je suis passionné de jeu de société, et ce projet, avant d’être un roman, était une véritable idée de jeu. D’ailleurs nombre de lecteurs m’ont demandé si le jeu existait réellement et si j’en avais les règles quelque part. La réponse est non, je n’ai pas la moindre idée de si ce serait même jouable. C’est l’avantage de la littérature sur la réalité: il suffit que ce soit plausible !

 

Pour finir, L’Indé Panda, c’est quoi pour toi ?

Moi qui suis aussi peu alcoolique que fêtard, je dirais que c’est ma taverne à moi. J’y ai des potes de déconnade, mais aussi des aiguillons pour avancer dans mes projets, et avant tout, j’y ai trouvé une espèce de famille littéraire. Dans un monde littéraire réputé pour son nombrilisme, avoir agrégé des gens aussi divers dans leurs convictions, leurs priorités, leurs genres de prédilection, leurs ambitions, c’est un tour de force.

 

Question bonus posée par notre lectrice, Mor Khaan sur notre page Facebook : 
« Pourquoi « Bouffanges », et pas « Mangechérubins » ? »

Dans la vraie vie, j’ai un nom et un prénom terriblement banals. Je m’étais toujours dit que si un jour je publiais quelque chose je le ferais sous un pseudonyme. J’ai beaucoup lu de BD, plus jeune, alors je ne voyais pas trop l’intérêt de m’encombrer d’un nom et d’un prénom fictifs. Un pseudonyme suffit. Bouffanges, ça sonne en effet comme bouffe-anges, mais aussi comme boue-fange. Il est vrai que je suis bien peu porté sur la religion, et que j’aime le rapport à la terre. Mais l’origine du nom n’est pas là. Quand j’étais petit, je passais tous mes étés à la campagne, dans un petit hameau où nous étions libres, dès cinq ans, d’aller où nous voulions. C’était la liberté totale. Mais la frontière de cette liberté, c’était le bout d’un chemin creux qui débouchait sur un autre hameau qui s’appelait Bouffanges. Et comme toute frontière, quand on est enfant et qu’on a de l’imagination, on invente un monde derrière. Ce hameau, ça représente pour moi la limite où l’imagination prend le relais de la réalité.

 

Vous pouvez retrouver Bouffanges sur Facebook.

« Votez blanc ! » est disponible dans L’Indé Panda, Magazine n°1.

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2 réponses sur « Interview Bouffanges »

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